lundi 12 janvier 2015

Las Fadas

La cérémonie de Las Fadas remonte à l’Espagne médiévale - avant l’expulsion de 1492 - hélas elle n'est que rarement fêtée de nos jours à part dans certaines familles turques ou balkaniques.

L'idée, ancrée dans la croyance populaire espagnole médiévale, était que le nouveau-né était entouré de fadas (fées) qui venaient assister aux célébrations suivant sa naissance. On craignait que les mauvaises fées, vexées de ne pas être invitées, souhaitent se venger*, et on cherchait à protéger le bébé. Pour cela, on le faisait passer d’une personne à une autre en lui souhaitant de bons vœux pour que les mauvaises fées pensent que les buenas fadas (bonnes fées) étaient déjà là à s'occuper de l'enfant. Les Juifs, influencés par leur environnement mais fidèles à leur foi en ont fait une célébration familiale et communautaire à leur façon.
Selon l'interprétation juive, les buenas fadas sont simplement des malahines guadradores (anges gardiens), les mala'him qui veillent sur un enfant.



Des sources très anciennes parlent déjà d'une fête qui avait lieu traditionnellement la nuit avant la circoncision d’un petit garçon (appelée, selon les endroits, noche de viola ou veula ou vijola ou shemira, nuit de veille ou de garde**), que certains célébraient avec des chansons et sucreries traditionnelles, parfois même en embauchant des musiciens.

Un témoignage castillan de 1480 mentionne une coutume du "premier bain", à la septième nuit après la naissance. On plaçait dans une baignoire des objets symboles de richesse et de chance (de l'or, de l'argent, de l'orge, des perles, du blé), puis on lavait le nouveau-né, vêtu de blanc, au son des bénédictions, des chants traditionnels et des formules rituelles comme buenas fadas ke te faden (que les bonnes fées te bénissent).

Des descriptions de ce rituel ont également été retrouvées sous le nom de hacer las hadas dans des procès pour "judaïsation" menés par l’inquisition jusqu'au XVIIe siècle en Espagne, et sont mentionnées comme des "signes à guetter" - au même titre que la circoncision - dans des pamphlets lus dans les églises européennes et américaines de ces époques***

On retrouve une coutume similaire rapportée dans des articles de Eliyau Barrocas Levy et dans le Sidur Hamerkaz de Rav Meir Matzliah Melamed, sous le nom de fadamiento (don de la destinée).**** Dans la tradition juive le prénom et le destin (mazal) sont étroitement liés, donc en fait le fadamiento fait ici référence essentiellement à la nomination : fadar la (f)ija (donner une destinée à la fille = nommer la fille). 

Lors de cette cérémonie de fadamiento, la fillette, vêtue de tissus brodés d’or et d’argent, recevait son prénom. Cela se passait soit à la synagogue soit chez les parents. Chaque participant allumait une bougie et prononçait des bénédictions pour l’enfant, 7 jours après la naissance.

Il était coutumier en Turquie pour la mère et la fille d’avoir un voile de soie brodée placé sur leurs têtes. La mère continuerait de le porter régulièrement, comme un foulard, jusqu'à ce qu’elle le transmette à sa fille pour qu'elle l'utilise comme voile de mariée.

A une époque plus récente, le fadamiento avait lieu plutôt deux semaines après la naissance environ, quand la mère se sentait capable d’avoir de la compagnie ; on invitait alors famille et amis. Un rabbin faisait un discours puis les invités, à tour de rôle, tenaient le bébé, le bénissant et parlant de leurs espoirs pour sa vie future.

A Izmir, on appelait cette fête syete kandelas (sept bougies). Les convives s'installaient à une table garnie de pièces d’or, d’argent, de bijoux, de dragées et de 7 bougies. Chacun de ceux qui allumaient une bougie prenait des dragées, récitait une bénédiction et adressait des voeux au bébé, comme le traditionnel mazal bueno.

A la fin, le 'ha'ham (rabbin) mettait ses mains sur la tête de la petite fille qui se trouvait dans les bras du sandak et de la sandaka et annoncait à voix haute son prénom*****

Le rituel était en revanche parfois célébré le trentième jour de la vie de la fillette, notamment chez certains séfarades en Italie, Hollande, Turquie, dans les Balkans et au Maroc.
Et pour un garçons, on associait également les fadas au pidyon haben.

Une fois la fête terminée, on laissait des douceurs et du miel sur une table pour que ces "fées" restent dans de bonnes dispositions le plus longtemps possible.

Voici la prière de nomination d’une fille dans la communauté portugaise d’Amsterdam****** :
Ken bendisho a muestras madres
Sara, Rivka, Rahel i Lea
I Miriam la profeta i Avigayil
I Esther la reina (f)ija de Avihayil
El bendiga a la ninya la (f)ermoza la esta
I sea yamado su nombre (…….)
Kon buena planeta en ora de bendision
I engrandeskala en salud, paz i olgansa
I aga mereser a su padre i a su madre
Por ver a su alegria i en su talamo
Kon (f)ijos machos, rikeza i onra
Visiozos i reverdidos renoven kon kaneza
I ansi sea veluntad
Amen





*ce qui n'est pas sans rappeller le hollekreisch
**cette coutume, commune a de nombreuses cultures, rappelle la vach nacht
***comme rapporté entre autres par Charles Amiel dans sa thèse de doctorat d’histoire Crypto Judaisme et inquisition
****le mot fada lui-même semble avoir racine commune avec le latin fatum, destinée
***** certaines communautés élisent aussi un sandak ou padrino (et sandaka ou madrina) pour une fille
****** tel le yiddish, le ladino évolue selon les endroits et les périodes, et il y aura donc de légères différences d’accent et vocabulaire par rapport à d'autres endroits

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