dimanche 20 mars 2016

Le saviez-vous ? L'Aron Hakodech de Poniovitch

L'Aron Hakodech qui trône majestueusement dans le Beth Midrach de la Yechiva de Poniovitch (ou Ponevezh) à Bnei Brak, et que l'on voit en arrière plan sur la plupart des portraits de Rav Chakh, est sans doute l'un des plus célèbre du monde. Au delà de son style baroque qui ne laisse personne indifférent, plusieurs particularité en font une pièce d'exception. Mais comment est-elle arrivée là ?

Fabriquée à l'origine pour la Scuola Grande de Mantoue, en Lombardie, qui était, comme son nom l'indique, la plus grande des six synagogues de la ville, elle est en fait constituée de l'assemblage de plusieurs pièces façonnées sur plus d'un siècle, entre 1635 et 1750. C'est certainement l'une de celles dont la construction a été la plus longue de l'histoire !
Véritable vitrine de l'artisanat juif de la Plaine du Pô, qui vivait alors son âge d'or, c'est également l'une des plus hautes répertoriées à son époque, atteignant presque 8 mètres de haut. 

Sa surface est aujourd'hui entièrement recouverte de feuille d'or, mais il n'est pas certain que ce fut déjà le cas à l'origine ; les autres arches de cette période alternent l'or avec une ou plusieurs couleurs.
Autre particularité : sa paro'het n'est pas à l'extérieur, mais à l'intérieur de l'arche, derrière les portes de bois. Cette façon de faire a aujourd'hui disparu (reprochez-moi de pester une fois de plus contre l'uniformisation du Judaïsme...) mais elle n'était pas exceptionnelle en ce temps là. On mettait le travail le plus spectaculaire en avant, et la beauté de la sculpture l'emportait sur la qualité de la broderie.

Cependant, si c'est l'une des plus grandes, des plus sophistiquées et des plus impressionnantes arches de la renaissance, ce n'est pas la seule à être d'une beauté remarquable. Entre la fin du 16e siècle (début de la période baroque) et la fin du 18e siècle (qui marque un tournant tant social qu'architectural), plusieurs centaines de synagogues, l'une plus chatoyante que l'autre malgré des dimensions réduites par les contraintes de la vie en Ghetto, furent construites dans la Plaine du Pô, dont plus de 100 rien que dans le Piémont. 

Chaque communauté, même la plus modeste, exposait la qualité et la richesse de son travail artisanal comme preuve de sa piété. En effet, ceux qui ne pouvaient contribuer au culte où à l'étude apportaient leur pierre à l'édifice en participant à aménagement des synagogues : les hommes travaillaient le bois, le marbre et l'argent, les femmes tissaient et brodaient, puis chacun offrait son ouvrage à la synagogue à l'occasion des fêtes ou des événements de la vie. 
Hélas, la plupart, de ces synagogues, abandonnées après l'Emancipation faute de fidèles, furent soit détruites par les ravages du temps - humidité, termites et guerres - soit récupérées par l'Eglise pour ses propres besoins.

Après la Seconde Guerre Mondiale, le Dr. Umberto Nahon, chef de file du sionisme italien, prend conscience de l'importance de ce patrimoine historique et voit la nécessité de sauver ce qui peut encore l'être. 
Sauver, oui mais, autant que possible, pas en enfermant ces oeuvres d'art dans des musées. Plutôt en les restaurant et en les remettant en usage là où se trouve, estime-t-il, l'avenir du Judaïsme : en Israël. 
C'est ainsi que pendant les années 1950-1960, une douzaine d'arches furent démontées en Italie et "discrètement" envoyées en pièces détachées vers Israël, accompagnées de dizaines de Sifrei Torah et de milliers de pièces diverses d'art synagogal, jusqu'à ce qu'une convention internationale sur l'exportation de biens culturels soit signée en 1970 et mette un terme à ce qui était considéré comme du trafic d'art. Ces objets de culte ont été restaurés et nombre d'entre eux sont utilisés quotidiennement dans des synagogues israéliennes. 

A part celle de Poniovitch, vous pourrez ainsi admirer d'autres Aronot à la synagogue italienne de Jerusalem (dont pas seulement l'Aron Hakodech, mais l'intégralité du mobilier vient de Conegliano), ainsi qu'au rez de chaussée de la Grande Synagogue de Jerusalem, dans les 4 synagogues séfarades de la Vieille-Ville, à la synagogue Komemiut de Talbiyeh, à la Grande Synagogue de Kiriat Shmouel (au nord de Haifa), à Karmiel, à l'école Ayanot (au sud de Tel Aviv), à Yad Eliyahou à Tel Aviv, à la yéchiva Kerem Beyavné de Ramat Gan, à la synagogue italienne de Ramat Gan...

Certaines, en trop mauvais état, sont exposées, notamment au Musée d'Israel et au Musée d'Art Juif Italien U.Nahon à Jerusalem. 

Il ne reste dans la Plaine du Pô, qu'une dizaine de synagogues de la renaissance encore en bon état, dont environ la moitié est en service régulièrement.
Celle de Casale Monferrato est sans doute la plus fabuleuse d'entre elles.


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