jeudi 2 août 2012

L'araméen, partie 1 : les anges


La Guemara (Chabbat 12b et Sota 33a) dit au nom de R. Yo'hanan : "celui qui prie en araméen, les anges (Malakhé Hasharet) n'intercèdent pas en sa faveur car ils ne comprennent pas l'araméen"
Comment cela se fait-il ?

Tosfot, dans son commentaire sur Chabbat 12b trouve cette déclaration de R. Yo'hanan étrange. Il demande plus précisément : comment la Guemara peut dire que les anges ne comprennent pas l'araméen quand nous savons qu'ils connaissent les pensées des hommes ?
S'ils connaissent les pensées, ils les comprennent quelle que soit la langue dans laquelle elles sont exprimées, fût-ce en araméen ! 
Il y a là une contradiction qu'il faut résoudre.
D'autant plus que si Tosfot dit que les anges connaissent nos pensées, plusieurs sources semblent affirmer le contraire ! Il faut commencer par résoudre cette contradiction avant de s'attaquer plus profondément à la problématique de l'araméen.

Par exemple, la Maadanei Yomtov (Berahot 2,6) mentionne deux versets indiquant que seul Hachem connait nos pensées, et qui vont donc contre l'affirmation de Tosfot : 

  • "Car Toi seul Tu connais le cœur de tous les humains" (Divré Hayamim 6,30)
  • "Moi, l'Eternel, moi je scrute les coeurs" (Yirmiahou 17,10) 


Si seul Hachem lit dans nos pensées, les anges ne le peuvent pas ! Il pense donc que Tosfot se trompe en disant que les anges connaissent nos pensées.

Le Gaon de Vilna (Biour Hagra sur Choul'han Aroukh Orah Haim 101,11) apporte, lui, une source qui va dans le sens de Tosfot en citant une Guemara (Berahot 55a) qui traite de la kavana pendant la tefila. Il y est dit que lorsqu'un homme prie, en fonction de sa concentration et de son intention, les anges plaident auprès du Tribunal Céleste pour ou contre lui. Rachi explique que les anges ressentent la sincérité de celui qui prie, ce qui implique que les anges lisent dans nos pensées sans quoi ils ne pourraient pas plaider. C'est, selon le Gaon, sur ce passage que Tosfot s'appuie pour affirmer que les anges connaissent nos pensées.

Nous retombons donc sur notre contradiction : les anges connaissent-ils nos pensées, oui ou non ?

Le Sfat Emet résout ce conflit dans son commentaire sur Vayera. Il cite le Zohar qui explique que si les anges ont demandé à Avraham avinou où se trouve Sarah, c'était car vraiment ils ne le savaient pas. Pourquoi ne le savaient-ils pas ? Parce que les anges ne savent que ce qu'Hachem leur dévoile. 
Ainsi, selon lui, les anges ne lisent pas dans nos pensées, mais ils connaissent une partie de nos pensées qu'Hachem leur dévoile.

Et ainsi à la question : les anges connaissent-ils nos pensées ? on répond : en partie

En ramenant cela à la problématique de l'araméen, comme les anges ne connaissent pas toutes nos pensées, on pourrait tout à fait concevoir qu'Hachem ne leur dévoile pas celles qu'on a l'intention d'exprimer en araméen.
Cela répond à la question de Tosfot.
Mais cela ne répond pas à la question : pourquoi pas l'araméen, et spécialement l'araméen ?

Le Raavad dans le Tamim Deim propose une autre réponse à Tosfot, plus originale. En bon Juif, il commence par poser une question : dans quel contexte la Guemara affirme que les anges ne parlent pas araméen ?
Réponse : pour nous expliquer que lorsque nous prions, les anges intercèdent en notre faveur. Mais pour cela, il faut qu'ils comprennent la langue dans laquelle en prie. Or, dit R. Yo'hanan lorsque nous prions en araméen, les anges n'intercèdent pas en notre faveur. 

Mais s'ils n'intercèdent pas en notre faveur, explique le Raavad, ce n'est pas parce qu'ils ne comprennent pas l'araméen, ni parce qu'ils ne lisent pas dans nos pensées ! Non, s'ils n'intercèdent pas en notre faveur, c'est parce qu'ils n'aiment pas l'araméen ! Pourquoi ? Parce que c'est une déformation de l'hébreu, une perversion ! Fidèles au Lachone Hakodech, les anges refuseraient donc de relayer une prière exprimée dans cette langue bâtarde -à leurs yeux- qu'est l'araméen !

Le Roch ajoute : même si on considère l'araméen comme une langue noble, les anges aiment tellement l'hébreu qu'ils n'écoutent aucune autre langue. Mais comme l'araméen ressemble à l'hébreu, on aurait pu penser qu'ils l'écoutent aussi. C'est là la Guemara trouve sa raison d'être ; il faut la lire de la façon suivante : "[même] celui qui prie en araméen [qui ressemble à l'hébreu], les anges n'intercèdent pas, car ils ne [veulent pas] compren[dre] l'araméen [mais uniquement l'hébreu pur]."

Mais alors, me demanderez-vous, pourquoi certaines prières (et on pense notamment au Kaddich) sont en araméen ?
Vous le saurez en lisant la deuxième partie qui se trouve ici (bli neder) !

Abraham recevant les trois anges (Bartolome Esteban Murillo 1667)

2 commentaires:

  1. Bonsoir , je trouve se débat très intéressant , si puis je me permettre de rajouter sur la parasha vayera Rashi nous dévoile que Hashem a envoyé 3 anges car chaque ange a sa mission :

    Un pour guérir Avraam , un pour annoncer la naissance de Sarah et le 3eme pour détruire sdom donc un ange n'a jamais 2 missions a la fois mais qu'une seul.

    Donc on peut tout a fait concevoir qu'un ange durant sa mission il sait qu'une seul langue ou les langues parlé au pays ou est sa mission et rien d'autre! car ils sont limité par Hashem !

    La seul langue que les ange maitrise est le lashon akodesh! les autre langue c'est en fonction de leur missions:
    Le nom le rôle, l’itinéraire et la langue parlé change a chaque mission...

    Et le faite que l’araméen ressemble a l’hébreu , langue que les anges comprennent tout le temps , ça les perturbent pour la compréhension et donc les énervent et au final ils comprennent rien...

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  2. Ho je voudrais encore rajouter quelque chose , il se pourrais selon se raisonnement que j'ai cité , que les anges ne comprennent pas le yédish comme l'araméen qui ressemble a l'hébreu...

    M.H

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