mardi 14 février 2012

Voyager Kasher

Une question sur le site Cheela a attiré mon attention. Une personne y demande des conseils pour voyager à travers le monde en mangeant kasher et en respectant chabbat. Sans me limiter à la question posée, je vous propose quelques recommandations basées sur ma modeste expérience.




Les endroits où il est le plus facile de voyager kasher (par ordre alphabétique)


Voici quelques exemples de pays où il est particulièrement facile (et agréable !) de voyager en étant orthodoxe. Ce n'est qu'une liste indicative, il est possible de très bien se débrouiller dans la plupart des pays, mais ceux-ci vous permettront de voyager confortablement avec un minimum de complications.


Afrique du Sud : la communauté juive de Johannesburg est très importante et propose tout le confort qu'on peut souhaiter.
Argentine : malgré l'émigration massive causée par la crise économique du début des années 2000, la communauté juive argentine reste très dynamique, mais s'est concentrée à Buenos Aires. On y trouvera de nombreux restaurants et commerces.
Australie : la plupart des commerces kasher sont situés à Sydney, dans le quartier de Bondi plus précisément, mais on trouvera aussi le nécessaire à Melbourne. Voyager à travers le pays, notamment vers le nord et l'ouest, demande une certaine organisation.
Belgique : peu de kasher à Bruxelles mais beaucoup à Anvers.
Canada : C'est à Toronto et à Montréal que l'on trouvera les plus grandes communautés, avec des commerces et des restaurants à profusion.
Chine : On trouvera toutes les infrastructures nécessaires à Hong Kong, et des Batei Habad très accueillants à Shanghai et Pékin notamment.
Etats-Unis : on trouve de tout dans les grandes villes, mais en plus dans tout le pays on trouve beaucoup de produits avec tampon OU dans toutes les grandes surfaces, il est donc très facile de se nourrir. A part l'incontournable New York, il ne faut donc pas hésiter a parcourir le pays.
France : beaucoup de restaurants et commerces kasher à Paris. Plusieurs à Lyon et Marseille, ainsi qu'à Strasbourg et Nice. En dehors de ces villes, il est assez difficile de se procurer de la nourriture kasher, mais beaucoup d'hypermarchés ont un rayon kasher qui peut dépanner.
Inde : la grande quantité de touristes israéliens a engendré le développement d'une importante infrastructure Loubavitch, qui accueille les visiteurs dans la plupart des villes. Les juifs en général sont bienvenus et très bien vus dans ce pays. On trouve encore des communautés locales à Bombay et Cochin.
Israel : pas de commentaire, mais il fallait quand même en parler, non ?
Italie : des restaurants à Milan, Rome et Venise. Attention, en dehors de ces villes, il est très difficile de trouver quoi que ce soit.
Royaume-Uni : la plupart des restaurants et magasins sont dans la banlieue de Londres, notamment à Golders Green. En dehors de la capitale, on trouvera le nécessaire à Leeds et Manchester. Notez qu'on trouve également des commerces kasher à Gibraltar.

Sortir des sentiers battus

Voyager en étant religieux, c'est possible à peu près partout, mais cela demande avant tout beaucoup d'organisation. En fait les seuls endroits que je déconseille vraiment sont les pays ouvertement hostiles à Israel, ou en guerre (particulièrement si l'un des états belligérants est arabe et/ou musulman). A part cela, il n'y a vraiment aucun problème à voyager, même, la plupart du temps, en montrant ostensiblement son appartenance religieuse. Nous avons vus plus haut les villes connues pour leur importante communauté juive et dans lesquelles il est particulièrement aisé de voyager en étant Chomer Mitsvot. Voyons maintenant comment visiter des endroits plus isolés religieusement parlant.

Avant de voyager on commencera par une phase de préparation minutieuse. A part dans le cadre d'un organisme de voyages kasher, les tours organisés sont à fuir car les problèmes de kashrout et de chabbat seront insurmontables. Les circuits sont tout à fait possibles, mais il faudra les organiser vous-même. Il faudra surtout veiller à choisir soigneusement les endroits les plus confortables pour passer Chabbat. Dans le cas d'un voyage d'affaire, les choses sont plus compliquées car les lieux et les dates sont souvent imposés. C'est dans cette situation qu'il faudra prendre le maximum de précautions.

Je conseille en premier lieu d'emporter le plus possible de nourriture avec vous. Selon les endroits où je vais, il m'arrive de réserver jusqu'à 50% de mes bagages pour la nourriture ! On peut emporter des plats cuisinés à réchauffer (vraiment très pratiques), des boîtes de conserve, des gâteaux, des matsot pour faire motsi... En fait, tout ce qui n'est pas périssable. Cela sera d'autant plus important si vous avez d'autres restrictions (exigences de certaines surveillances précises en kashrout, allergies, régime, etc). Ne faites pas "une valise de vêtements, une de nourriture". Au cas où l'une des deux serait perdue, vous seriez bien ennuyé ! Mélangez-donc le contenu. Si au cours de votre voyage vous avez la possibilité de vous ravitailler, n'hésitez pas à refaire le plein. La bonne gestion de vos ressources est essentielle ! Si vous êtes dans un endroit vraiment reculé et qu'à la fin de votre séjour, il vous reste de la nourriture, n'hésitez pas à l'offrir à un Juif que vous aurez rencontré sur place, il y a des chances que cela lui améliore grandement l'ordinaire.

Autre possibilité, si une fois sur place, vous ne prévoyez pas de bouger pendant un certain temps (ou alors sans prendre l'avion), il peut être utile d'emporter une petite casserole et une poêle (en aluminium, c'est plus léger). A votre arrivée, achetez un petit réchaud à gaz (cela ne coûte que quelques dizaines d'euros) et vous pourrez cuisiner des petits plats simples. Vous pourrez faire bouillir des légumes ou du riz, cuire des oeufs ou du poisson... Emportez aussi des couverts et de la vaisselle jetables.
Avant de partir, n'oubliez pas les autres articles religieux dont vous pourriez avoir besoin : tefilines, talit, sidour, houmach, vin pour le kidouch, bougies, bessamim pour la havdala, etc.

Renseignez-vous ensuite sur le(s) pays que vous allez visiter. Y a-t-il un rabbinat local reconnu ? Une liste des produits kasher que l'on peut trouver dans les supermarchés ? Trouve-t-on des restaurants ou des commerces kashers ? Notez leurs coordonnées ainsi que, si possible, leurs horaires. S'il y a un centre communautaire juif là où vous comptez aller, n'hésitez pas à prendre contact avec ses responsables avant votre départ.

Il est important de savoir que dès qu'on part dans une région un peu reculée, trouver un quelconque soutien logistique juif passera très probablement par les émissaires du mouvement Loubavitch. Sans être Loubavitch moi même, j'ai le plus grand respect pour la formidable oeuvre de propagation de la Torah auprès des Juifs "perdus" aux quatre coins du monde initiée par le Rabbi zatsal. C'est un travail remarquable dont on ne peut imaginer l'ampleur sans l'avoir vu de ses propres yeux.
Ayant ainsi eu l'occasion de visiter des Batei Habad du monde entier (il y en a pratiquement un dans chaque capitale du monde démocratique), j'y ai toujours reçu un accueil chaleureux, et je recommande à tous les voyageurs juifs (même non religieux) de s'y rendre sans hésiter.
Il est préférable d'annoncer votre arrivée à l'avance (le plus tôt possible, mais je conseille au moins une semaine avant). Certains chlou'him vous inviteront à manger et vous offriront des provisions, alors que d'autres vous demanderont une petite contribution. Il en est même qui vous proposeront le gîte. A vous de voir, mais ne vous sentez obligé de rien. Si on ne vous demande aucun paiement, la politesse vous recommande tout de même de laisser quelque chose (par exemple, le prix que vous auriez payé dans un restaurant pour un repas similaire). Notez enfin que la plupart des chlou'him parlent hébreu, anglais et éventuellement la langue du pays mais qu'il n'est pas facile de tomber sur un francophone.

Kashrout

Développons plus spécifiquement le sujet de la kashrout. En dehors des endroits connus pour leur importante communauté juive, n'espérez pas trouver le moindre restaurant kasher et votre salut passera avant tout par votre capacité à vous débrouiller vous-même (et c'est là que la préparation évoquée plus haut prend toute son importance), avec l'éventuel soutien des Loubavitch si vous avez de la chance.
Il sera probablement difficile de trouver, par exemple, de la viande glatt en dehors d'un Beth Habad. Si vous ne consommez que celle-ci, préparez-vous à vous en passer pendant une bonne partie, voir la totalité de votre séjour. N'espérez pas non plus trouver de 'halav israel, et notez bien que le heter de Rav Feinstein sur le 'halav stam (qui est déjà remis en cause par certaines opinions en dehors des Etats-Unis), n'est absolument pas valable dans les pays en voie de développement. La seule chose sur laquelle vous pouvez compter, ce sont les fruits et légumes frais (attention à l'hygiène si vous les mangez crus, et aux tolaïm bien sur), et cela tombe bien car c'est sain et généralement bon marché. Je me souviens ainsi d'un voyage en Inde où, lassé par mes provisions, j'ai tenu plusieurs jours uniquement avec des bananes et des oranges, jusqu'à mon arrivée au Beth Habad suivant...

Chabbat

En général, quand je suis à l'étranger pendant chabbat, je reste dans ma chambre d'hôtel, pour plusieurs raisons.
-Dans les hôtels modernes, il y a le problème des portes électriques et des lumières automatiques qui rendent très compliquée toute sortie et entrée dans la chambre.
-Si vous souhaitez vous rendre dans une synagogue où l'on ne vous connaît pas, on risque de vous demander vos papiers d'identité. D'ailleurs même sans aller à la synagogue, sortir dans un pays étranger sans pièce d'identité sur soi est peu prudent.
-La possibilité de considérer tout le bâtiment de l’hôtel comme une propriété permettant d'y faire un erouv soulève déjà un certain nombre de difficultés.
C'est pourquoi il est préférable de rester dans sa chambre à se reposer (et prier et étudier).
La seule alternative consiste a trouver une famille d'accueil chomeret chabbat qui accepterait de vous héberger pendant la fête, et dans ce cas vous pouvez espérer faire à peu près comme chez vous.
Comme je l'avais déjà indiqué, n'oubliez pas d'emporter tout le matériel nécessaire : bougies (attention aux détecteurs de fumée dans la chambre !), vin pour le kiddouch, de quoi faire motsi, havdala, etc. Il peut également être intéressant d'avoir avec soi une petite horloge pour allumer et éteindre automatiquement la lumière (avec éventuellement les adaptateurs nécessaires pour les prises du pays).
Evidemment, dans un tel cas il faudra renoncer à toute idée de repas chaud, prévoyez donc des aliments qui soient bons froids... chabbat doit quand même être une fête !

Mikvé

Bien qu'il soit nettement plus facile de trouver un mikvé qu'un restaurant kasher, il faut bien admettre que, logiquement, plus on est dans un endroit reculé et pauvre en population juive, plus il est difficile d'en trouver un. Là aussi, il faudra souvent s'adresser au Beth Habad le plus proche. Si vous êtes dans une situation où vous savez que vous devrez aller au mikvé à un certain moment, organisez votre voyage en fonction de cela aussi. Notez également qu'en voyage, il arrive fréquemment que les cycles menstruels soient perturbés, prévoyez donc une marge suffisante. Il y a parfois certains cours d'eau qui sont utilisables comme mikvé, cependant l'utilisation d'un mikvé "naturel" peut s'avérer extrêmement dangereuse, c'est donc une solution à n'utiliser qu'en dernier recours, avec l'approbation des autorités religieuses locales.

Kippa

J'ai personnellement l'habitude de me promener dans la rue en kippa, c'est pourquoi j'en parle en premier, mais cela s'applique à tous les signes religieux dits "ostentatoires" comme le Magen David. A quelques exceptions près, je n'ai jamais rencontré le moindre problème à sortir en kippa aux quatre coins du monde. Le plus souvent les gens n'y prêtent pas attention, ou pensent que c'est un petit chapeau fantaisiste d'occidental. Parfois cela conduit à des réactions cocasses : on m'a pris pour un imam au Népal ; pour un curé en Chine...
Dans les pays arabes, je fais preuve d'un peu plus de prudence en portant un chapeau ou une casquette. Après on peut tomber sur un antisémite n'importe où (et ce n'est pas une casquette qui l'arrêtera), mais à vrai dire, la seule région où j'ai perçu des regards vraiment hostiles, parfois accompagnés d'insultes (mais sans plus B"H), c'est en Europe de l'Est : Pologne, Russie, Ukraine...

Dans l'avion

La plupart des grandes compagnies aériennes proposent, en option, des repas kasher. N'hésitez pas à les confirmer directement auprès de la compagnie 48h avant le vol (il arrive que les agences de voyagent oublient de transmettre les demandes, ou que les compagnies oublient de les lire. Malgré tout, il peut arriver que la compagnie n'en propose pas, ou qu'à la suite d'une erreur, il soient absents. Prévoyez donc dans votre bagage à main de quoi tenir pendant le vol ! Enfin, évitez de prendre l'avion le vendredi : un retard (de plus en plus fréquents) risque de vous amener à transgresser le chabbat...

En croisière

Un petit paragraphe pour vous parler des croisières car cette façon de voyager est de plus en plus répandue. Il existe évidemment des croisières entièrement kasher (fort onéreuses cependant), la plupart du temps dans les caraïbes. Une autre formule en vogue aux Etats-Unis propose une partie du bateau "kasherisée", avec une salle a manger et une cuisine réservée, le reste du bateau étant non-kasher. Mais certaines compagnies proposent aussi de vous fournir des repas kasher lors d'une croisière classique. On vous servira alors à chaque repas un plateau, semblable à ceux servis dans l'avion. Concernant le chabbat, il y a des précautions à prendre : si le bateau est à quai, il n'est pas permis de descendre du bateau pendant chabbat. Mais s'il n'y a pas de problème de porte/lumière, vous pouvez sortir de votre cabine et vous promener librement sur le paquebot lorsqu'il est en mer. Attention également, vous ne pouvez pas faire réchauffer votre repas. Selon certaines opinions, il ne faut pas embarquer plus tard que le mercredi (voir Chemirat Chabbat Kehilhata 30,55). Si on est sensible au mal de mer, c'est également un problème, par rapport à Oneg Chabbat... Il faut enfin que le propriétaire du bateau et les marins qui manoeuvrent ne soient pas Juifs. Enfin, si la tsniout vous tient à coeur, il vaut mieux envisager les croisières en Islande ou en Alaska... Bref, le mieux si vous envisagez de faire une croisière est de consulter votre rabbin local pour discuter avec lui de votre projet précis et des difficultés qui pourraient se poser.

Pour conclure, je vous donne l'adresse de deux sites (en anglais), à consulter impérativement pour avoir toutes les bonnes adresses avant de voyager kasher :
Kosher Delight
Yeah thats Kosher

Les choses allant vite et les sites n'étant pas forcément à jour, téléphonez impérativement avant de faire des milliers de kilomètres à la recherche d'un restaurant qui n'existe plus...

Bon voyage !


La synagogue Magen David, construite en 1864 à Bombay



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