jeudi 17 avril 2014

La kimpeturin au kimpet

Aujourd’hui nous allons nous pencher sur un phénomène, ou état, appelé en Yiddish Kimpeturin (différentes orthographes peuvent être trouvées). Une kimpeturin est une femme qui a accouché.

En Amérique, et plus récemment à Anvers et Londres, ont ouvert des maisons « post accouchement » appelées kimpeturin heim (maison de kimpeturin) où se rendent les jeunes mères pour prendre un peu de repos. 
Aux yeux de beaucoup, ce phénomène ne concerne que les Satmar, pourtant lorsque je me suis penché dessus, les règles de kimpeturin m’étaient parfois familières… 

Je décidais alors de me lancer dans des recherches plus approfondies sur les origines de ce statut – et c’est à ce moment là que mon grand père m’envoya un très ancien livre de blagues juives, datant d’environ un siècle, ou je trouvais trace de « kimpetoren »… chez les Juifs yekke !

En fait, même sans en avoir le nom, on retrouve dans la plupart des groupes ashkénazes des règles communes concernant ces femmes qui viennent d'accoucher :
  • Manger beaucoup de viande (« fer »), manger chaud, pour « reprendre des forces et faire beaucoup de lait ») 
  • La première sortie est consacrée à se rendre la synagogue pour shabbat (en présence d’un érouv)
  • Chez certains yekke, une petite sortie pour « prendre l’air » tous les jours préconisée si le temps le permet (pas de pluie et de froid)
  • Ne pas laisser la mère « en kimpeturin » seule, l’utilisation de ségoulot et kamayot autour de la mère et de l’enfant (kimpet brivel, un écrit, "papier de kimpet")
  • La mère n’assiste pas à la brit mila, surtout si celle-ci a lieu a l’extérieur de la maison. Une gravure yekke (alsacienne plus précisément) du 19e siècle montre une brit à la maison au salon, et la mère alitée dans sa chambre. Il s’agit de ne pas lui causer de stress ou de fatigue.
  • Avant l’hygiène moderne, on laissait souvent la mère dans ses vêtements ou en tout cas draps d’accouchement, la saleté étant censée protéger des maladies… la racine « kimpet » elle-même, signifie simplement « lit d’accouchement » (comparer avec l’allemand kindbet). Une étymologie populaire fait par contre dériver ce mot de « kim peter rechem » : que vienne l’ouverture de la matrice.
  • Dans certains groupes hassidiques, la mère ne va pas au mikve avant les 3 mois de l’enfant. Dans un groupe même il s’agirait de un an. 
  • Ne pas sortir de chez soi avant un mois/30 jours/35 jours/40 jours, pas d’effort physique (« ne pas porter même un paquet de farine »). 
Ce « confinement » des 30 jours est déjà mentionné dans Machzor Vitry (avant 1105). Phénomène ashkénaze, donc ?
Non !
Car dans un recueil sur la médecine et les superstitions des juifs expulsés d’Espagne (« Ritual Medical Lore of Sephardic Women »), un rite similaire est mentionné !
Ne pas sortir pendant 30 jours, ne pas se changer pendant 30 jours, rester couverte sous un drap au maximum (éviter donc de se lever).

Le médical se mêle aux croyances : rester couverte éviterait le ayn hara, qui affecte en premier la quantité et qualité du lait de la mère, puis la santé de celle-ci et de l’enfant, D. nous en préserve…

Ces pratiques, et tant d’autres, ont perdu en vigueur après la Shoah mais des témoignages de juifs des Balkans démontrent que les familles sépharades les plus traditionnelles les pratiquaient en tout cas encore dans les années 1960…

Bien que « daté », ce phénomène se retrouve d'ailleurs dans énormément de cultures : les relevailles des chrétiennes, mais aussi des chinoises, indiennes, grecques, amérindiennes… en témoignent.

La sagesse des Nations rejoint ici les minhagim juifs.

Kimpeturin heim de Kiryas Joel, NY

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